Critique Cats

Scrupuleusement intelligent… Avez-vous déjà observé ses pupilles pour appréhender son comportement ? Révélateur… N’est ce pas ? Flegmatique, tranquille, indépendant, solitaire…Le chat est absolument fascinant. Vénéré dans l’Egypte ancienne mais symbole de sorcellerie au Moyen Age, nous sommes aujourd’hui pris d’affection pour cet animal.

J’ai eu l’honneur de voir Cats le 19 septembre. L’appréhension était bien là parce que j’attendais ce musical depuis 7 mois. J’étais émue de revenir à Mogador en sachant que j’allais m’attacher au spectacle… Très probablement. Lorsque je suis entrée dans la salle, je me suis sentie petite, minuscule parce que la première et l’unique chose qui m’a préoccupée pendant quinze minutes, c’est le décor qui s’étendait devant, au dessous de moi. Le décor est un amas de bric à brac. C’est une masse de choses qui semble être l’Olympe du félin ; c’est le corps tout entier vital à la survie du Jellicle Cat. Au milieu se dresse la lune éminente divinisée par les chats. Le théâtre s’est transformé en une immense décharge. L’assemblage, l’accumulation, le positionnement des objets apparaît comme un négligé harmonieux. Le décor grimpe jusqu’aux loges. Celui ci a été surdimensionné parce que l’œil du chat ne perçoit pas la vie autour de lui de la même manière qu’un humain. Le public le ressent plus ou moins et s’y sent complètement intégré. Le spectacle commence et les trémolos de l’orchestre nous embarquent pour une danse infinie. Les chats surgissent de nulle part dans le public et de leur féline démarche vous effleurent.

Les tableaux sont tous spectaculaires. Dans sa globalité, la partie plus intéressante du show se situe à la toute fin. Ce qui me fascine le plus dans le spectacle, c’est la façon dont il a été construit. Au tout début, il s’agit de présenter le Jellicle Cat. Qu’est ce qu’un Jellicle Cat donc ? L’intrigue s’installe doucement. Apparaît donc ici le personnage de Victoria, chatte blanche. Peut être est elle représentative de l’éveil du Jellicle cat puisqu’on peut la voir s’étirer avec toute la majesté d’un chat. Et puis les sens de Victoria s’éveillent comme si son sixième sens lui avait indiqué qu’un événement important se préparait. Il s’agit de l’invitation au bal. Munkustrap, chef de la cité quand le vieux Deutéronome n’est pas là et qui plus est conteur de l’épopée des chats prend la parole solennellement. Il déclare qu’on s’apprête à procéder au « jellic’ultime choix » : il s’agit d’une cérémonie qui permettra à un seul et unique chat d’accéder à la Jellicosphère  » les Jellicle une fois par an se donnent tous rendez vous au grand bal des chats […] le vieux Deutéronome […] va faire taire le silence et puis sans plus attendre choisira le chat qui va revivre enfin, car ce chat dès demain, renaîtra de ses cendres […] Qui est l’élu ? » . C’est le moment-clé du spectacle. On sait donc à partir de cet instant qu’un chat se distinguera des autres. Avant cela, c’est vrai que les premières minutes du show peuvent laisser perplexe le public s’il ne connaît pas Cats. En revanche, une fois que l’on a cerné ce sur quoi se base la tension du spectacle, il n’y a normalement plus de problèmes avec la compréhension de l’histoire. En troisième temps, il y a la présentation des chats. Enfin, quatrième temps, l’identité de l’élu(e) est révélée. Je m’attarde sur la construction puisqu’elle est davantage essentielle dans CATS il me semble.

Cats est un musical différent dans sa construction justement. C’est un spectacle qui possède une dimension poétique importante. Cela plaît et déplaît à la fois. C’est subtil. Le public peut se perdre facilement et c’est pour cette raison que ce n’est pas apprécié par tous.  Je conseille donc à ceux qui n’ont pas encore vu le spectacle d’y aller l’esprit détaché sans à priori. Allez-y l’esprit ouvert. Il serait dommage de ne pas apprécier ce musical exceptionnel simplement parce que c’est « déroutant », d’autant plus que c’est un des plus grands succès du monde entier ainsi qu’un classique de la comédie musicale. C’est un spectacle aussi, où le théâtre est absent. En revanche, ce manque a été compensé. En effet, on retrouve la dimension théâtrale à travers la poétique. Ce thème poétique est très important notamment dès le premier tableau Jellichansons pour Jellicles Cats avec la partie « Baptiser un chat » :  » Vous penserez sans doute que chez moi ça ne tourne pas rond si je vous dis qu’un chat a trois noms bien distincts « . Là, nous avons droit au plus merveilleux récital qui soit ! Cette poésie est la particularité du show et c’en est un des points forts. J’aime beaucoup cette ambiance en tout cas…

Pendant 2h30, aucune relâche. Les chats nous éblouissent tous, et le niveau de danse mérite d’être souligné. C’est très intense et physique.  » Jellichansons pour Jellicle Cats » en atteste. Époustouflant. Il y a un savoir- faire professionnel si méticuleux. Il s’agit là d’une volonté de nous faire remarquer la mise en scène surprenante, intelligente, harmonieuse, techniquement parfaite. L’originalité de ce show commence bien évidemment avec « Jellichansons ». Puis il y a « baptiser un chat » et l’invitation au bal. L’intrigue se met progressivement en place. Les tableaux se succèdent et on remarque que pour chacun d’entre eux, on nous dévoile un nouvel aspect du show. On nous propose des thèmes plutôt diversifiés. Les Jellicles cats nous font voyager et en chemin, on croise des chats hors du commun, qui possèdent le sens de l’humour (Jennychatoyante, Rum Tum Tugger, Bustopher Jones), qui sont malicieux (Skimbleshanks), espiègles (Mungojerrie et Rumpleteazer), sages (le vieux Deutéronome), terrifiants (Macavity, Growltiger, chats siamois), joyeux (Munkustrap, Bill Bailey, Jellicle cats en général), nostalgiques (Grizabella), magiciens (Mistoffelees)…

J’ai fait un très beau voyage en compagnie de tous les Jellicle Cats mais croiser la route des chats voleurs et stationner chez Skimbleshanks m’a bien plu. J’adore ces chats espiègles, malicieux, joyeux en quête d’aventure. Cependant, j’avoue préférer l’univers de Skimbleshanks qui nous embarque pour un périple complètement fou (avec un doigt de whisky ?!). Je tiens à féliciter les auteurs qui m’ont transporté avec ces belles images bohémiennes, vagabondes d’ailleurs, de n’importe où pourvu que ce soit sur les routes…

La fin du musical est abondamment riche, avec une résonnance considérable surtout avec la dernière chanson « Parler le chat ». Quelle fin détonante et raffinée ! C’est bien plus qu’une conclusion,  il y a une intention bien plus marquée que de dire seulement « nous vous avons montré nos chats ». C’est moins superficiel de parler de caviar ou de pot de crème qu’il n’y parait. Bien au contraire, c’est subtil, intelligent.  Cette dernière chanson apparait donc ici comme une morale. Au travers de ce musical, les mœurs, les caractères des chats ont été mis en avant.  La maxime de ce musical est l’acceptation de l’autre aussi différent soit il. Et c’est valable pour nous et pas tellement que ça finalement pour les chats. Le chat ici est l’allégorie des instincts bestiaux (aucune connotation négative ici, il y a de bons instincts comme de mauvais!).  L’animal que ce soit un chat ou non à un rapport différent face au monde qui l’entoure (constante névrose notamment)  et ne sait pas ce que représente la  notion de tolérance.  C’est donc ici une invitation à réfléchir à nos actes afin de reconnaitre l’autre quel qu’il soit en tant qu’égal c’est-à-dire l’accueillir et le recevoir chaleureusement.

Je tiens à féliciter Ludovic- Alexandre Vidal et Nicolas Nebot qui sont les auteurs de ce spectacle. Il fallait que Cats apparaisse comme flambant neuf. Donc la version de 89 n’a pas été appelé pour cela. J’ai lu le Guide du vieil opossum des chats. On y voit non pas des ressemblances mais des échos. Ils ont  tout deux réussi à articuler Cats en écho avec ces poèmes justement et je suis admirative de la manière dont ils s’y sont pris. Ils en ont extrait l’essence, juste gardé l’esprit ainsi que son style. Ils ont fait un travail de réécriture remarquable. Cette lecture du recueil en tout cas a été très instructive. Elle m’a permis d’enrichir mes connaissances sur les Jellicle Cats. On peut d’ailleurs noter  l’absence de la chatte rejetée par les siens, Grizabella. Cela n’altère en aucun le charme des poèmes. En revanche dans le musical, c’est le personnage qui est pour l’intrigue toute la saveur de Cats.

Voilà ce qu’est le musical Cats. J’aimerai pour terminer parler du casting. Cette pensée me fait frémir et c’est beaucoup d’émotion puisque je puis vous assurer que la distribution est incroyable. Il y a une homogénéité dans la troupe qui me semble assez bluffante. Ce sont tous des perles rares. Deux artistes ont particulièrement attirés mon attention et m’ont littéralement envoûtés ! Je commencerai par Vanessa Cailhol (Rumpleteazer). C’est un enchantement tout simplement. Quel charisme ! Personnellement, c’est mon rayon de soleil du premier acte.

Sylvain Mathis est un présent pour ce musical… Sincèrement ! Quelle sincérité scénique ! Il est impossible également de faire l’impasse sur sa voix. Je suis vraiment impressionnée par ses performances vocales. C’est mon rayon de soleil du deuxième acte. Un immense bravo à ces deux personnes ! Je tenais à les mettre à l’honneur et ça ne veut pas dire que le reste du cast ne vaut rien ! Loin de là. Mais pour moi ce sont ces deux chats qui m’ont bouleversé!

Les autres félins sont tous aussi exquis :

Je commencerai par la femme fatale de ce show, la sensualité incarnée, la grande …. Prisca Demarez ! Oui, elle est tout ça sur scène ! Je ne suis pas une grande fan du morceau « ma vie » mais de ce que j’ai pu voir le public est conquis par cette chanson, c’est je crois la plus applaudie du spectacle. Ce dont je suis davantage sûre, c’est qu’on ne peut pas être insensible à son charme, à sa douceur. J’aime énormément sa partie chantée sur « la chanson de Grizabella » (« voyez cette ombre… ») . Elle a une fragilité, une sensibilité délicate et cela se ressent dans son interprétation.
Le Vieux Deutéronome interprété par Pierre Yves Duchesne est tout simplement génial ! Cela lui sied très bien ! Deutéronome me transperce à la toute fin avec la chanson « Parler le chat». Il y a une force qui s’empare de lui à ce moment là à tel point que j’ai été convaincu par ce qu’il disait (présence, voix, ton…). J’ai été captivé, hypnotisé.
La première fois que j’ai vu Cats, j’ai oublié que c’était Golan Yosef qui était Rum Tum Tugger. Quel choc quand je m’en suis souvenue !  C’est le rôle de sa vie ! Clairement.  Je ne pensais pas adhérer à son parti et finalement si.  C’est un grand numéro que celui du chat rappeur et son phrasé est parfait.
Yoan Grosjean (Bill Bailey) est un danseur exceptionnel et j’aime énormément sa façon d’être un chat, très enjoué. J’aurais aimé l’entendre chanter davantage.
Katharina Lochman (Jennychatoyante/Chat Pouffi) est fraiche, pétillante et j’adore son chat –risme ?!
Leonie Thoms (Jellylorum) a un grain de voix absolument sublime et quel port, quel maintien… je suis fan.
Stoyan Zmarzlik est Mungojerrie. Quel danseur….. épicé !  Je n’ai rien à redire à ses prestations impeccables. Au niveau du chant, quel révélation ! Ses belles prouesses vocales j’espère lui permettront d’aller loin. J’ai été convaincue. Le rôle lui convient parfaitement.
Lucas Radziejewski est Coricopat. Ce danseur est une merveille, un prodige pour Cats.   C’est un rôle taillé pour lui et quel épanouissement !
Grégory Gonel (Alonzo et Pharnaum) est un danseur admirable, sublime qui me touche beaucoup. Il a une force intérieure qui témoigne de sa passion et c’est pour ça que j’aime ce chat. Quel bonheur de l’entendre chanter par moments ! En tant que bras droit de Munkustrap, je n’en attendais pas moins. Quel dommage qu’il n’en soit pas sa doublure parce que sa voix est aussi communicative que sa danse.

Cats me bouleverse comme aucune comédie musicale ne m’avait jamais bouleversée. C’est du spectaculaire, du spectaculaire pendant 2h30. Je recommande vivement. C’est magique. Quelle harmonieuse, juste et gracieuse cohésion des artistes !

Un vent nouveau souffle sur Mogador avec Cats…

CATS –Le Musical à voir absolument !
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